Sous l’influence de rumeurs catastrophistes, beaucoup de Français sont persuadés que les jeunes commencent précocement leur vie sexuelle et sous l’influence de la pornographie, ils se prennent en photo nus dès le CM2, échangent les vidéos de leurs prouesses, monnayent des fellations contre des téléphones portables, n’ont absolument aucun respect ni pour leur corps ni pour les filles, etc. «La transition à la sexualité génitale, qui naguère pouvait se faire sans véritable préparation, s’est transformée en un processus d’exploration physique et relationnelle à étapes: baisers profonds, caresses sur le corps, caresses génitales et enfin pénétration génitale. (Toute orientation confondue) Elle s’effectue désormais en plusieurs années et de moins en moins avec le même partenaire.» Michel Bozon, sociologue à l’Ined, nous apprend qu’il y a 50 ans les hommes et les femmes découvraient la sexualité et le corps de l’autre lors de leur mariage vers 22 ans. De nos jours ce n’est plus le cas que d’une personne sur dix. Les ados multiplient les expériences bien avant d’avoir 20 ans pour apprivoiser, découvrir leur corps, et celui de l’autre. Les adolescent(e)s font l’amour vers 17 ou 18 ans, sans changement notable par rapport au 20e siècle, mais ils/elles utilisent massivement un préservatif dès le premier rapport. Florence Maillochon, chargée de recherche au CNRS, confirme: «Alors que 70% des jeunes ayant eu leur premier rapport au début des années 1990 avaient utilisé un préservatif à cette occasion, ils étaient plus de 80 % à partir des années 2000». Le niveau de fécondité adolescente est très bas en France, (0,85 % depuis 10 ans) et il n’y a que très peu de contaminations au VIH chez les ados. Certains pédopsychiatres, parce qu’ils sont en contact avec des jeunes «à problèmes», tendent à généraliser leur expérience clinique à l’ensemble de la population des jeunes. 6 700 séropositifs pour 1450 nouveaux cas de sida (depuis le début de l’épidémie: 83 000 cas de sida, 46000 décès.) En 1987, un préservatif était utilisé dans 8 %, ce qui était le cas de 80 % dès 1993… La capote est devenue pour les jeunes le symbole d’un comportement «responsable à deux» dès 1990. 21 %, soit près de 1 sur 5 des jeunes femmes sexuellement actives n’utilisent aucun moyen de contraception. (source: gyneweb.fr) Premier film pornographique: 15,7 ans pour le garçons et 17,6 pour les filles. Sans tenir aucun compte de ces chiffres, les adultes pourtant s’inquiètent et projettent sur les jeunes des fantasmes d’horreur: on les voit «en danger moral et nécessitant une protection», raconte Michel Bozon. Pour Yaëlle Amsellem-Mainguy, chargée de recherche à l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (Injep), il est temps de rétablir la vérité: non, les jeunes ne sont pas jetés sans repères dans un univers de sexe hard-crade. «Si, auparavant seules les grandes institutions (Etat, famille, Église) étaient porteuses de normes sur la sexualité, aujourd’hui, les prescripteurs de normes sur les conduites et les pratiques sexuelles sont loin d’avoir disparu». Elle insiste : non seulement les normes n’ont pas disparu, mais elles se sont multipliées. Interrogées sur «les moyens par lesquels elles s’étaient procuré leurs toutes premières informations sur les moyens d’éviter d’avoir des enfants» les jeunes femmes (18-24 ans) citent dans l’ordre l’école, la télévision et leur mère, et les hommes, l’école, la télévision et leurs copains. Le rôle de l’école s’accroît. Celui de la mère se maintient, voire se renforce parmi les femmes. Chez les garçons en revanche, les pairs continuent à jouer un rôle spécifique. Pour la plupart des jeunes interrogés, le X c’est juste «du cinéma». Il ne faut pas s’embarquer dans cette panique morale qui prend racine dans l’esprit des parents et des adultes, fous d’angoisse à l’idée que leurs enfants et les jeunes se transforment en monstres ou en victimes sous l’influence du X, des forums en ligne, des réseaux sociaux. De ces choses qu’ils n’ont pas connu étant jeunes. Cette panique n’est en pas du tout favorable à l’égalité entre garçons et filles, et entre les sexualités. Plus on diabolise la sexualité des jeunes, plus les filles sont tenues de réprimer leurs envies et de faire passer l’amour (les sentiments, le coeur) avant le sexe, d’avoir de mavaises surprises ou des frustrations dûes à l’ignorance. En clair : on les empêche de se masturber et de manifester toutes ces formes de désir qui passent pour être les manifestations d’une nature débauchée. “Ma fille n’est pas une salope”. Quant aux garçons, ils sont tenus de se conduire en “vrais hommes”, car les parents craignent avant tout qu’ils ne deviennent homosexuels, comme s’il était possible de “choisir d’être gay”. Beaucoup d’adultes restent en effet persuadés que l’adolescence est une période durant laquelle on hésite entre différentes sexualités, un peu comme si on hésitait entre un yaourt et un fruit. Mais la sexualité (homo ou hétéro) ne relève pas du choix. Quant à l’adolescence, c’est juste une période durant laquelle on essaye de comprendre qui on est… “Ne serait-il pas possible d’accepter tranquillement que la jeunesse est l’âge des expériences, y compris sexuelles ?».