Ce mot, depuis depuis la fin des années 90, tend à se substituer à "
Godemiché"
dont il est synonyme. On
ne veut plus ou on n'ose pas dire "godemiché" qui semble devenu un
vocable ringard, vulgaire, pornographe, sale, malsain, voire honteux,
mais "sexy-toy" ou "sextoy", apparemment plus moderne,
plus classe et plus féminin. Le godemiché serait associé à une
certaine forme de lubricité masculine ou lesbienne, alors que le sextoy
ferait partie des accessoires indispensables à une femme de
bon goût, raffinée, libre et émancipée. Autrement dit une "nouvelle
femme"! Selon le sociologue Baptiste Coulmont, les années 1970 auraient
vu dans le godemiché, l'expression des nouvelles
valeurs sexuelles post-soixante-huitardes (orgasme partagé,
réhabilitation de la masturbation), mais auraient continué de le
cantonner lamentablement dans des espaces marginaux, masculins et
pornographiques, au mieux dans certaines pages des catalogues de
vente par correspondance, justifiés par quelques mérites et bienfaits
pseudo-médicaux.
Selon cet auteur, ce changement de vocable signale une volonté
d’inscrire la sexualité (solitaire ou en couple) dans le champ des
activités récréatives et de loisirs, activités dont les
sociologues savent depuis longtemps combien l’accès dépend du
revenu, du diplôme et du temps "libre". Ces "sextoys", jouets sexy pour
adultes, deviennent les accessoires obligés de nouvelles
relations sexuelles et jouent un rôle de plus en plus important dans
une économie centrée sur les loisirs.
On essaie également d'en faire des objets réellement féminins,
et cela passe, dit-il "par des tactiques commerciales parfois naïves,
souvent efficaces. Si le rose chair est vulgaire, le
rose bonbon est féminin. Si une femme nue sur le paquet est
vulgaire, le dessin d’une plume est féminin: les promoteurs des nouveaux
sexy shops, de manière systématique, déballent et
"repackagent" des objets fabriqués par quelques entreprises en Asie
(Chine principalement)". Naturellement, le sextoy a le soutien de la
grande presse féminine qui vante son usage et propose d'en
faire "un des objets nécessaires à toute bonne table de nuit".
En clair, le but est de faire que les femmes les achètent
d'elles-mêmes et non plus sous l'effet de la pression masculine. Pour
cela, il faut les séparer de ce qui traditionnellement
s'évoque comme pornographie, en rejetant celle-ci dans le sale, le
malsain, la basse animalité, l’atteinte à la dignité humaine… En
conséquence, le sextoy est présenté comme non figuratif, design
et mode, ce qui l'élève vers le sain, le beau, l’éthiquement
correct, l'angélique. Mais n'y a-t-il pas quelque hypocrisie dans cette
belle évolution dont la finalité, me semble-t-il, n'est rien
d'autre que marketing? Pour moi, un gode est un gode, et en faire un
joli joujou ne change rien à l'affaire, même si cette nouvelle
appellation nous infantilise quelque peu. Mais "sextoy",
pourquoi pas? Peu importe le nom du flacon pourvu qu'on ait
l'ivresse...
Pour ma part, adepte de cet objet, je n'ai pas de préférence
quant à sa dénomination. J'aime assez "sextoy" qui, bien qu'anglo-saxon,
est un mot très mignon puisqu'il rappelle le monde du
jouet, donc de l'enfance. Mais je n'ai pas peur de "godemiché",
"gode", "jacquot", "olisbos", etc. Néanmoins, j'ai un petit faible pour
"gode", sans doute parce que j'ai l'habitude d'employer ce
mot, mais surtout à cause de son homophonie avec god (dieu). En
effet, il y a quelque chose de divin dans les sensations qu'il procure,
bien qu'il ne soit pas très beau à mon goût. "Godemiché"
est un mot certes désuet, mais précisément, je l'aime à cause de
cette désuétude. C'est le mot complet, sans leurre, non diminué. Quand
je dis "godemiché", tout y est. Ce mot-là n'est pas une
ellipse, n'est pas aseptisé, on sait de quoi on parle et ce qu'on va
faire avec la chose qu'il représente. Il ne possède pas la légèreté ou
l'innocence ou l'hypocrisie de "sextoy". Là, on dit les
choses telles qu'elles sont. Je pense qu'il ne faut pas avoir peur
des mots. Un godemiché, c'est fait pour être introduit dans son vagin ou
dans son anus, pour y être enfoncé et ressorti de
manière à en jouir. Le sextoy me fait penser à un joujou délicat, à
un produit de marketing qui n'est pas aussi sérieux. En ce qui me
concerne j'utilise plusieurs godes, seule ou avec mon amie,
mais pas seulement, j'aime aussi l'usage de mes doigts et de ma
langue. Mon amie et moi, nous les utilisons en fonction de nos humeurs,
de nos envies, de notre créativité du moment...
Pour en savoir plus:
Xavier Molénat: La morale du sex-toy,
http://www.scienceshumaines.com/la-morale-du-sex-toy_fr_15479.html
Baptiste Coulmont: Le vibromasseur-godmiché: objet de plaisir
http://www.espacestemps.net/document2135.html
Chacun fait ce qui lui plait plait, et qu'impote le nom employé, l'important c'est le plaisir que l'on peut se faire ou partager avec cet objet...bisou Ophélie, bonne journée, je vais penser à ça toute la journée, c'est malin, tiens...
Cher Pierrot, désolé d'avoir peut-être gâché ta journée...
Voilà. Ophélie, vous dîtes les choses superbement et analythiquement. Vous passez parfois visitez mon blog, et vous devinez peut-être que mes influences proviennent de Marot, de Ronsard, de Villon : des anciens. Brassens les aimait et moi j'aime Brassens. "Gare au gorille", "Les amoureux qui se bécoquent sur les bancs publics", "Je ne fais pourtant de tort à personne, en suivant les chemins qui ne mènent pas à Rome". Vous avez une prose limpide. Ce texte, petit essai en soi, dans un esprit libertin du XVIIIème siècle est d'un grand intérêt et démonte parfaitement des mécanismes commerciaux vulgaires de notre époque. Louis dit : "Bravo et merci Ophélie !"
Merci aussi à vous, Louis, de ce beau commentaire, et à bientôt sur votre blog. Bien cordialement, Ophélie
Ecrit élégant, précis.La vulgarité est exclue dans toute l'acception du terme.Je vous lis avec plaisir et satisfaction,en parfait épicurien que je suis.Je laisse aux hédonismes le soin de conclure.
Amities
papy
Beau commentaire, digne de la belle et sagace plume de Papy! Merci et amitiés. Ophélie
Je n'aime pas le mot "sextoy", comme tout ce qui est anglais ou américain. Je préfère le joli nom de "Olisbos", mais tout ça , pour les godemicheuses que nous sommes, c'est la même chose. Toutefois, l'adorable Ophélie fait un oubli, si elle ne rattache pas le godemiché à la ville de Dieppe, qui lui doit une partie de sa célébrité. Pauvre Monsieur Baril, ou Duval, on aurait pu pour le moins lui élever une statue dont j'imagine très bien l'allure !!!
Allez faire un tour las bas :
http://www.quiquengrogne-dieppe.com
Merci eve anne, pour ce complément d'information. J'ignorais tout de cette histoire de godemichés qui a sévi dans la bonne ville de Dieppe au XVIIIème siècle. Elle est édifiante et montre bien la pudibonderie de certains milieux ou, plus simplement, la mauvaise foi qui cache la volonté de voir partir un voisin gênant en la personne de ce pauvre Nicolas Baril dit Duval. Oui, les Dieppois auraient pu élever à cet homme une statue, ou du moins lui rendre un hommage posthume plus significatif. Mais ce blog, déjà le fait et c'est très bien. Merci encore, ma toute belle. Ophélie
Oui, au final, peu importe le nom, pourvu qu'on ait le plaisir...
En tous les cas, joli petit historique qui dénonce comme il faut l'hypocrisie et le marketing qui sous-tendent les nouvelles appellations "sextoys" ou autres...
Bonne soirée Ophélie, je t'embrasse, Léo
Je te rejoins tout à fait sur la finalité de l'objet... Peu importe son nom, effectivement... Je t'embrasse. Ophélie
D'ailleurs, cela me fait penser que j'entendais il n'y a pas longtemps une émission qui annonçait le retour des "sextoys" naturels, comme le concombre, la courgette... Heureusement que l'on n'a pas attendu les objets sophistiqués pour prendre du plaisir, même si, bien sûr, les derniers arrivés offrent de nouvelles sensations...
Concombre, courgette... Cela fait sourire, mais tu as raison, malgré quelques inconvénients, ces fruits portent des noms qui font bien davantage rêver!
Hou la la, je ne me mêle pas de cette conversation, entre femmes, j'ai peur de faire tache...à plus Ophélie, je file acheter du gel lubrifiant à la pharmacie...
(!!!!!)
Décidément, tu es un vrai farceur, Pierrot!
Il me semble, Ophélie, que Ronsard a un poème sur le "godemichè". Peut-être le trouverai-je via google, non sans agacement, car je préfère l'avoir sur papier. Au département des aveux, j'ai testé un godemiché du catalogue de La Redoute, cannelé, qui ne fonctionna pas. J'ai testé un autre godemiche non cannelé acheté en sex shop, plutôt bien mais au départ froid et tremblant d'où l'impression de copuler avec un parkinsonien. In fine, ceux que je me suis fabriqué ont été plus adaptés. Tout ceci a disparu lors d'un déménagement. Néanmoins, je te rejoins au sujet de " God" car l'orgasme vécu à l'unisson de deux amants m'apparaît divin. Et en écrivant cela, j'évoque " amants " et non " amantes" alors que je voulais t'offrir aussi ce mot car j'entends la force de ce que tu vis. Je n'ai pas été attirée par les femmes, mais je n'ai pas refusé de le vérifier. Je t'embrasse. Elisabeth.
Elisabeth, merci beaucoup pour ce commentaire éclairé et éclairant, mais aussi empreint d'une bonne dose d'humour dont tu as le secret. Oui, Ronsard a écrit un poème sur cet objet (j'y fais allusion, je crois, dans mon article "Godemiché") ainsi que le poète Charles de Sigognes dont j'ai publié le poème "Le gaude michi" sur mon blog, fin 2009. Je t'embrasse. Ophélie
Bonjour,
Excellente et pertinente réflexion(s) sur le sujet, le marketing ou plutôt le commerce s'est en effet emparé du sujet en changeant le vocabulaire sans changer la destination de ces objets du plaisir. Tant mieux si cela peut permettre à certains ou certaines d'y trouver une satisfaction ou épanouissement qu'ils ou elles n'auraient peut être pas connu. Pour finir, le mâle, même si il a été longtemps le client favori des clauques sex shop, n'est pas majoritairement très à l'aise avec les godes qui sont de braves concurrents infaillibles du plaisir féminin.
Denis
Oui, tout à fait exact, Denis. Et merci pour ce complément d'analyse. Amitiés. Ophélie