(Toutes nos amitiés à Mireille Dumas, au passage… Non, cherche pas, c’est un truc entre le titre de l’article et moi).
(Prédécemment sur ZoneZeroGene dans la saga du clito : épisode 1)
Le rôle du clitoris : enfin la consécration ?
Le sexe de l’homme est multitâche : sa fonction est à la fois reproductrice et évacuatrice (l’urètre transporte l’urine depuis la vessie), sans oublier bien sûr son rôle dans le plaisir sexuel.
Notre clitoris, quant à lui, n’a qu’une seule utilité : nous procurer du plaisir. C’est une immense richesse, un capital érotique et sensuel souvent insoupçonné. Nous disposons, grâce à la complexité de son anatomie et à son formidable fonctionnement, d’une source de plaisirs immenses et multiples.
Il semble donc capital de préciser que la distinction jadis considérée comme incontestable, à savoir l’interminable match entre orgasme clitoridien et orgasme vaginal, paraît aujourd’hui sans grand intérêt.
En effet, outre la désuétude dans laquelle a sombré la théorie freudienne qui concevait l’orgasme vaginal comme celui de la femme sexuellement mature et l’orgasme clitoridien comme celui de la petite fille, entérinant ainsi une distinction rigoureuse entre les deux, les célèbres sexologues américains Masters et Johnson ont frappé un grand coup avec des travaux mettant en évidence le rôle prépondérant du clitoris : eh oui, quelle que soit l’origine de la stimulation (externe, sur le clitoris même ou sur la zone péri-génitale) ou interne (par le vagin notamment), le clitoris joue un rôle primordial lors de l’orgasme.
La sévère hiérarchie entre orgasme vaginal et orgasme clitoridien n’a donc pas vraiment lieu d’être… Et qui s’en plaindrait ? La quête acharnée de l’orgasme vaginal, quête faisant l’objet d’une culpabilisante surenchère médiatique, apparaît finalement comme une possibilité, et non plus un défi ! Non, l’orgasme vaginal ne doit pas représenter le paradis inaccessible pour celles qui restent en galère devant cette porte fermée, et en vérité, peu importe d’où l’on tire son plaisir… L’essentiel étant évidemment de savourer le plaisir, quel qu’il soit.
On pourrait donc raisonnablement penser que le clitoris est parvenu à à une forme de consécration, et que la femme moderne, voire la jeune fille éclairée, sont bien informées. On pourrait croire qu’en cette époque où tous les tabous ou presque sont levés, nulle n’est contrainte de demeurer dans l’ignorance de son propre plaisir.
Grosse erreur…
Le silence du clitoris : surinformation médiatique, désinformation des femmes (et des hommes).
Procédons à une fouille en règle de la presse féminine : dossiers « spécial régime » alternent joyeusement avec les dossiers « spécial sexe ». Nous savons tout, et sommes supposées tout connaître : les positions les plus efficaces, les caresses qui nous rendent folles (et le rendent fou), les comportements sexuels à proscrire et ceux à adopter d’urgence sous peine de passer pour une ringarde ultra-coincée, les modes du sexe, les tendances de l’année… Oui, s’éclater au lit (ou sur le sol de la salle de bains) s’apprend apparemment dans les magazines. Et s’éclater en fashion-sex-victim encore plus.
Pour rappel, souvenez-vous de l’année où pratiquer l’échangisme était le nec plus ultra : si vous n’alliez pas en club, vous pouviez être sûre (la presse vous l’affirmait !) que votre mec allait prendre ses jambes à son cou, pour partir en quête d’une fille plus en phase avec la tendance. La mode étant passée, ce qui est dommage pour les gens qui pratiquent l’échangisme avec une réelle conviction et qui auraient peut-être eu des choses intéressantes à dire, l’échangisme fut officiellement déclaré « nouveau puritanisme du XXIème siècle » et aussi vite condamné qu’il avait été plébiscité. D’une extrême à l’autre, pas de place pour la réflexion et l’ouverture d’esprit.
Après l’échangisme, il y eut la bisexualité… Et l’on vit fleurir des articles ayant pour titre des énormités du style « l’explosion de la bisexualité chez les filles », comme si une orientation sexuelle aussi intime que le fait d’aimer à la fois les hommes et les femmes pouvait être ramenée à un phénomène de mode… On n’est pas loin, avec ce genre de titre racoleur, des propos tenus par une société bien pensante et s’apparentant à quelque chose comme « des homos ? Vous ne trouvez pas qu’il y en a de plus en plus ? ». Quelle horreur… Non, il n’y en a pas « de plus en plus ». Simplement, il devient, et c’est tant mieux, inutile de se cacher parce qu’on est légèrement différent. Bref, au lieu de considérer la bisexualité comme ce qu’elle est (une orientation sexuelle), les médias en ont fait un phénomène de mode : roule une pelle à ta meilleure amie ou tu seras définitivement étiquetée « hétéro coincée ». Coucher avec des filles, c’était le top de la win-attitude.
Dans le même genre, n’oublions pas la sodomie, bien sûr. La sodomie, ce fut pendant un temps le fer de lance du dossier sexo ! Toute femme qui n’avait pas encore exploré la face nord de sa sexualité était assurément une gourde maladroite et rétrograde. Mais, euh… La sodomie, en fait, on n’est pas obligée, n’est-ce pas ? Non, on n’est pas obligée. Même si ça peut être une pratique très agréable. Quand elle est vraiment désirée.
Passons sur la période où l’obligation de « pimenter ses ébats », piment largement exploité par le business du sextoy (et c’est regrettable car le sextoy, loin de cette image réductrice, a bien d’autres mérites), devenait la condition sine qua none à la survie du couple. Le commandement sacré était énoncé : tes ébats sexuels avec acharnement tu pimenteras, sans quoi ton couple sans espoir sombrera.
Oui, tout et n’importe quoi, voilà ce que la presse nous vend, mais elle nous vend surtout de la dictature. Des normes. Une uniformisation du plaisir.
Où sont les vraies informations dans tout ça ? Où sont les réponses qui répondraient à de vraies questions ? Où sont les tuyaux destinés à apprendre « pour de vrai » aux femmes comment leur corps fonctionne ? Les pistes destinées à explorer, à explorer vraiment ? Où est l’ouverture d’esprit, l’invitation à la fête sexuelle ? Tout est cadré, normatisé, formaté. Nous ne sommes plus, dans la presse féminine, que des machines à jouir et faire jouir, prises au piège de l’éternel duo de choc : pénis et vagin.
Nous sommes parvenues à l’ultime paradoxe, le plus ridicule : la presse nous surinforme tellement qu’elle ne nous donne plus aucune information véritablement utile. Alors notre clitoris, dans cette joyeuse débauche de surenchère, il n’intéresse pas grand-monde, excepté pour servir de support à des pratiques aussi sophistiquées que contraignantes. Et comme par ailleurs tout le monde (hommes et femmes confondus) est supposé en maîtriser le fonctionnement, à quoi bon donner des explications qui sembleront au mieux inutiles, au pire ennuyeuses ?
Au final, le clitoris subit encore les conséquences de la hiérarchie entre plaisir vaginal et clitoridien, et cette hiérarchie pèse autant sur les hommes que sur les femmes, avec un souci de performance et de défi à relever.
Et l’orgasme ?
Même s’il est de bon ton de prétendre que l’orgasme n’est pas la quête ultime dans le cadre du plaisir érotique et sensuel, il faut garder les pieds sur terre et se montrer réaliste : l’orgasme est un délice.
On parle là d’abandon à ses propres sensations, cet abandon étant un outil précieux pour atteindre l’orgasme. En effet, l’orgasme devrait être déclaré d’utilité publique et la dégustation du plaisir gagnerait à figurer dans la to-do list de chaque femme.
Parce qu’il faut tout de même admettre que l’hypocrisie médiatique est de taille : on donne des recettes au kilomètre pour jouir dans toutes les positions imaginables, mais on prétend avec une inégalable mauvaise foi que l’orgasme n’est pas une fin en soi et qu’il existe plusieurs formes de plaisir et de jouissance.
C’est bien le moment de jouer la déculpabilisation ! Pourquoi ne pas montrer plus de franchise et affirmer clairement qu’il n’est pas nécessaire de connaître 50 positions pour s’envoyer en l’air mais que l’essentiel est tout de même de prendre du plaisir, de faire de son corps un outil de jouissance et de savourer la magie de l’orgasme ?
Le plaisir sexuel recouvre toute une gamme de sensations, dont l’orgasme est l’expression la plus épanouissante et enivrante, expression décuplée quand le corps et l’esprit sont en parfaite harmonie.
Non, ce n’est pas un discours normatif : on peut très bien vivre une sexualité épanouie sans orgasme, et on n’est pas forcément frustrée sexuellement si on n’en a jamais eu. Mais l’orgasme est une réalité délicieuse, un régal des sens et si on peut très bien s’en passer, c’est un peu comme le lave-vaisselle ou le micro-ondes : on vit très bien sans, jusqu’au jour où on en a un. Après ça, difficile de concevoir la vie sans lui !
Et cet orgasme, il ne relève pas forcément de la pénétration vaginale : la majorité des femmes ne jouissent pas pendant la pénétration, aveu délicat à formuler puisque malgré tout ce qu’on peut expliquer et répéter, certains hommes restent frustrés de ne pas parvenir à procurer à leur partenaire ce fameux orgasme purement vaginal.
Certains s’en voudront, d’autres penseront que c’est plutôt leur compagne qui est en cause, alors qu’en vérité, la solution la plus simple est de considérer que même si une femme ne jouit pas pendant la pénétration, la pratique n’en reste pas moins extrêmement agréable, et qu’il est tout à fait légitime que l’homme en tire du plaisir, et un orgasme si ça l’inspire.
Une femme qui n’a pas forcément d’orgasme quand on la pénètre ne s’ennuie pas pour autant : la gamme des plaisirs sensuels est très étendue et ne se réduit heureusement pas à « jouir ou ne pas jouir » : la délicieuse sensation d’être « remplie », « prise », étreinte, le frottement du pénis contre les parois du vagin, les différents points stimulés, tout cela peut être source de plaisir.
Par ailleurs, la stimulation du clitoris (directe ou indirecte) peut entraîner l’orgasme pendant la pénétration. Mais si ce n’est pas le cas, ce n’est pas très important et ne rend pas ce qu’on appelle trivialement le « coït » moins épanouissant.
De fait, à l’instar de toute autre pratique (car le refus de la hiérarchisation des caresses qui mènent à l’orgasme est bien la clé de l’érotisme gratifiant, épanouissant) qui amène à la jouissance, la pénétration est l’une de celles qui peuvent procurer un orgasme. Au même titre que la masturbation, la fellation, le cunnilingus et d’autres caresses…
Parfois, ce sont aussi les femmes elles-mêmes qui se sentent complexées de ne pas parvenir à capturer l’orgasme pendant la pénétration. Ce complexe n’a aucune raison d’être, car on se fiche de savoir comment on jouit, du moment qu’on prend son pied… Ne pas accéder à l’orgasme pendant le « coït » n’est pas une « difficulté », un « problème » : c’est un état de fait. Si on en est satisfaite, alors il est inutile de se mettre martel en tête. Si on en éprouve une frustration, en avant pour essayer d’y parvenir.
Mais ce qui compte avant tout, c’est de prendre du plaisir, sans se prendre la tête. Encore faut-il pouvoir identifier l’orgasme. Si on en a déjà eu un.
Prochainement sur ZoneZeroGene dans la saga du clito :
Episode 3 : Comment se masturber ?
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« Le refus de la hiérarchisation » : voilà, c’est exactement ça qui est difficile à faire comprendre à certains Homo Erectus. On devrait plus leur parler, à ceux là, d’ailleurs.
@Eleusie – à certaines femmes aussi. En fait, je refuse également la hiérarchisation entre les comportements féminins et masculins : quand on est une fille et qu’on baise avec une autre fille, on se trouve parfois confrontée à la même incompréhension. Et à la même méconnaissance de l’anatomie
L’ignorance et le refus de piger certaines choses, ce n’est pas seulement phallique.
Merci, j’ai hâte de lire la suite !