Non mais j’te jure…

« Est-ce que j’ai déjà eu un orgasme ? »

Cette question revient souvent, malgré la tonne d’infos visant à nous faire croire que nous les femmes modernes sommes tellement bien éduquées et renseignées que nous savons faire tout un tas de trucs sexuels époustouflants et décoratifs, à commencer par jouir. Mais si, forcément ! Nous jouissons. Toutes. C’est obligé. Et si un doute nous effleure, une pluie d’articles viendra à point nommer nous expliquer qu’en fait, euh, ben l’orgasme, ce n’est pas facile à décrire et que selon les femmes, ça peut être très varié comme sensation et bla bla bla et que ne paniquez pas, vous en avez sans doute déjà eu (Pas vraiment le choix, hein, sinon vous êtes une loseuse du sexe, une laissée-pour-compte de la société qui toute entière prend son pied, oh oui).

Eh bien, contrairement à un discours très politiquement correct qui laisse planer un certain flou artistique quant à la description précise des sensations procurées par un orgasme, il n’y a aucun doute possible : si vous vous posez cette question, à savoir « ai-je déjà eu un orgasme ? », la réponse est clairement, et sans conteste « non ».

Désolée, hein.

Pourquoi ? Parce que l’hypocrisie collective qui pousse à la surenchère sexuelle cultive également le paradoxe de l’orgasme, à savoir refuser d’en donner une définition technique, précise, pour ne pas dégoûter les femmes qui ne l’ont jamais connu : car si ces femmes venaient à se sentir exclues de la grande famille des « filles-qui-en-ont », auraient-elles encore envie de lire les dossiers sexo de la sacro-sainte presse féminine ? Non. Elles se sentiraient un peu écoeurées. Il est donc plus simple de prétendre que l’orgasme ne peut pas vraiment se définir, et de déverser des kilomètres de discours consensuels mous pour que les « filles-qui-n’en-ont-pas » aient tout de même envie de se retrousser les manches en faisant la brouette chinoise dans leur salon pour enrichir leur vie sexuelle, même avec cet orgasme imprécis dont elles ne savent pas si c’est un vrai ou un frelaté. A côté de ça, on va leur farcir la caboche avec des mots tels que « pimenter », « booster la libido », « varier les plaisirs », « les 10 positions qui vous rendent belle », et autres gracieusetés.

Du coup, et c’est là que c’est injuste, on abandonne tranquillement, la conscience tranquille, les filles-qui-n’en-ont-pas : c’est vrai, de quoi se plaignent-elles ? Il existe tellement de formes de plaisir différentes, non ? Alors pourquoi les culpabiliser avec l’orgasme qu’elles n’ont pas (enfin on ne leur dit pas qu’elles n’en ont pas, on leur laisse un doute quand même en les persuadant que peut-être le vague frémissement du pli de l’aine qu’elles ressentent pendant qu’elles font le poirier japonais POURRAIT être un orgasme, hein, si ça peut les rassurer).

Non.

Parce qu’une chose est sûre : l’orgasme, quand on en a eu un une fois, on sait très précisément en quoi ça consiste.

Alors je sais bien que l’orgasme, après avoir été un droit, est devenu une vraie dictature. Je sais aussi que l’orgasme n’est pas forcément le but ultime de la relation sexuelle épanouie… Je suis parfaitement consciente du fait que la jouissance, le plaisir et l’orgasme ne doivent pas être confondus et qu’il existe des nuances de taille entre ces différentes notions, sans compter qu’au sein même de chaque notion, des degrés divers de contentement viennent encore mettre un gentil merdier dans ce tas d’infos contradictoires.

Mais tout de même, l’orgasme c’est génial. C’est un peu comme le lave-vaisselle : quand on n’en a jamais eu et que les autres parlent du leur, on sent vaguement que la vie serait plus plaisante avec, mais finalement on se déboruille sans… En revanche, une fois qu’on en a un, les trois premières semaines on se demande, extasiée, comment on a fait pour s’en passer jusque là (tout en l’utilisant le plus souvent possible). Et au fil des années, même s’il finit par faire partie intégrante de la vie, il arrive encore, quand on l’utilise, de se dire rêveusement : « bon sang, c’est quand même génial… Je serais super malheureuse si je ne l’avais pas. Dire que j’ai pu vivre sans. J’en reviens pas ».

Donc, on SAIT. Même si chez chacune les sensations proprement dites peuvent être différentes (non à l’uniformisation, on ne revient pas là-dessus).

Et c’est le pied.

Alors désolée, et c’est là que c’est intéressant de se retrousser les manches et de s’échauffer les doigts, mais à la question « est-ce que j’ai déjà eu un orgasme parce que je ne sais pas trop ? », la réponse est non.

C’est quoi, en fait, l’orgasme ?

C’est une manifestation physique, aussi simple à identifier qu’elle peut être complexe à découvrir.

L’orgasme représente l’apogée du désir sexuel (oh la jolie phrase estampillée « psycho-sexo », ça donne envie, non ?), et consiste en une jouissance physique intense et non contrôlée : en effet, si on contrôle plus ou moins bien ses sensations, ainsi que la montée de son désir et ses réactions pendant une ascension qui, pour être vertigineuse, n’en reste pas moins maîtrisable, quand on atteint l’orgasme on est tout simplement hors d’état de maîtriser le jaillissement du plaisir. Ni poésie ni romance là-dedans, c’est un simple fait, qui peut s’apparenter au réflexe éjaculatoire (à différencier des prémices de l’éjaculation).

Les signes physiques de l’orgasme sont aisément descriptibles : juste avant, l’érection du clitoris diminue de façon conséquente. Les petites lèvres gonflent et deviennent ultra-sensibles. Le vagin se gorge alors de sang et se rétrécit.

Au niveau des sensations, on peut assimiler l’orgasme à une sorte d’irrépressible raz-de-marée : l’ivresse soudaine de la perte de contrôle est accompagnée de ces fameuses contractions des muscles du bassin, ainsi que des muscles intra-vaginaux (tiers externe du vagin) et utérins. Ces contractions, d’abord très rapprochées (une toutes les 0,8 secondes), s’espacent ensuite et faiblissent progressivement. La lubrification s’intensifie et des spasmes parcourent toute la zone pelvienne, entraînant une délicieuse euphorie… Dans le cas où la respiration s’est accélérée, l’apport supplémentaire d’oxygène peut encore décupler les sensations et prolonger l’orgasme. L’abandon est alors total et on « plane » légèrement. Les spasmes de plaisir semblent traverser le ventre et peuvent irradier dans le reste du corps.

La durée de l’orgasme est variable selon les femmes : de quelques secondes à plusieurs minutes, avec des différences notables d’intensité. Certaines femmes aiment poursuivre la stimulation pendant l’orgasme, le prolongeant ainsi, alors que pour d’autres toute caresse appuyée à ce moment-là se révèle désagréable, voire douloureuse.

Dans tous les cas, la décharge de plaisir provoquée par l’orgasme ne peut en aucun cas être disséquée ou hiérarchisée dans le cadre d’un artificiel clivage entre orgasme vaginal et clitoridien, puisque le point de départ de l’orgasme est TOUJOURS le clitoris, et que selon les stimulations, l’intensité des caresses qui lui sont prodiguées et le contexte (par exemple une stimulation du vagin simultanée pour savourer le resserrement de la muqueuse due au gonflement des bulbes vestibulaires), les sensations peuvent irradier de différentes manières.

Et au final, l’orgasme est le rendez-vous légitimement attendu, quoi qu’on en dise dans la sphère du politiquement correct, de tout échanges de caresses dans le jeu érotique. L’hypocrisie qui pousse à prétendre que ce n’est pas important est aussi nuisible que celle qui amène à dire que les femmes qui n’ont pas d’orgasme sont incomplètes : l’orgasme n’est pas obligatoirement le but ultime et ne pas en avoir n’est pas un problème tant qu’il n’y a pas de souffrance ou de frustration, mais c’est sacrément génial et le rechercher en toute bonne foi est un plaisir dont on aurait tort de se priver.

Alors au final, comment attraper l’orgasme ? Au lasso. Non, c’est une blague. On en parlera la semaine prochaine, promis, sans se laisser embêter par celles et ceux qui disent que des conseils en la matière ne sont plus nécessaires à notre époque (C’est ça, oui : et la marmotte, elle met le chocolat dans le papier d’alu…).

Crédits photo : envyouch

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